Spiritualité


La spiritualité du Père Ange est une spiritualité de la présence vivante du Christ : elle est marquée d’une insistance particulière à chercher l’amour de Dieu dans l’union au Christ vivant, tant dans les pauvres que dans l’Eucharistie.

Sa dévotion à l’Eucharistie

Homme de prière, il passe de longues heures en oraison, étant toujours le premier et le dernier au chœur. Il a aussi une piété filiale envers la Vierge Marie, et sa dévotion envers le Saint Sacrement et le Sacrifice Eucharistique est remarquable et lui vaut l’estime des Évêques. En effet, il célèbre tous les jours la messe, y compris lorsqu’il est en déplacement et même lorsqu’il est souffrant, ce qui est rare pour l’époque. Par conséquent, il est pour lui-même un véritable ascète : il prône la patience, la mortification, la solitude, le silence, armatures de sa vie intérieure au milieu d’occupations multiples et souvent harassantes.

Cette dévotion envers l’Eucharistie est par conséquent très présente au sein de la congrégation qu’il a fondée. Ainsi, « on procurera tant qu’on pourra d’avoir le T.S. Sacrement dans les hôpitaux, et on se fera une grande gloire de préférer l’adoration d’un hôte si précieux à toutes les dévotions imaginables pour reconnaître l’honneur qu’Il nous fait de se rendre si proche de nous et se familiariser à notre petite Société ».

Son rapport à la pauvreté et aux pauvres

Le Père Ange, dans ses consignes aux religieuses de sa société, donne une grande importance aux conseils évangéliques : épouses de Jésus-Christ par la chasteté, « joyau qui seul fait leur dot », elles vivront l’obéissance, « cette vertu qui [les] distingue d’avec le monde », et la pauvreté par la mise en commun des biens et par le détachement dans l’habit de tout luxe et de toute parure. Le Père Ange fait d’ailleurs preuve d’un zèle important dans ce domaine : « Combien de fois l’a-t-on vu marcher dans les campagnes avec des souliers tout percés, avec des bas tout déchirés, supportant avec joie le chaud, le froid […] combien de fois, obligé durant ses voyages de s’arrêter pour prendre du rafraîchissement et du repos s’est-il allé cacher dans les moindres auberges, exprès pour y manquer des choses les plus nécessaires à la vie […] n’ayant en vue que de se rendre semblable en toutes choses aux pauvres qu’il estimait après Jésus Christ plus que tous les trésors du monde » (extrait de La Vie du Révérend Père Ange Le Proust, par le Père Nivard).

Les règles primitives n’hésitent pas à affirmer que le service des pauvres est la principale des actions de la religieuse de Saint-Thomas de Villeneuve : cet amour de Dieu dont elle vit, elle doit le déverser sur les pauvres. Pourquoi cet attachement au secours des pauvres? C’est là un trait caractéristique de la spiritualité du fondateur, à savoir l’identification du Pauvre à Jésus : le pauvre, c’est Jésus lui-même. Ainsi, le Père Ange recommande aux jeunes femmes de « consoler les pauvres malades comme vous le feriez à Jésus couché sur la Croix ». Un esprit similaire se retrouve dans plusieurs fondations de l’époque à travers l’expression « nos seigneurs les pauvres », mais sans cette identification explicite à Jésus.

Les religieuses de la congrégation doivent donc toutes considérer comme un honneur d’accomplir les tâches les plus répugnantes, et doivent même rechercher ce genre de travaux. Le Père Ange montre d’ailleurs l’exemple : « tous les jours, après avoir psalmodié matines à minuit avec ses frères religieux de Lamballe, après avoir fait son oraison mentale et avoir pris environ une heure de repos, il se lève de grand matin, se rend comme en cachette à l’hôpital, se fait un devoir et même un délice de nettoyer secrètement tout ce qu’il pouvait trouver de malpropre autour des malades » (extrait de La Vie du Révérend Père Ange Le Proust). Cette mission doit être accomplie dans un esprit approchant de celui qu’on garde devant le Saint Sacrement avec « un grand silence et une grande modestie » sachant que Jésus est présent et accepte leurs services.

Mais soigner les pauvres « corporellement » n’est qu’un moyen. Le but, pour le Père Ange, c’est de leur apporter un secours spirituel, car « encore que ce soit un grand bien d’assister les pauvres corporellement, puisque Jésus Christ Lui-même reçoit ces services, néanmoins, c’est un bien beaucoup plus considérable de les aider à gagner le Ciel et à acquérir les biens éternels ». Il pousse ces préceptes jusqu’au bout : si le malade dont la religieuse est chargée vient à mourir, elle l’ensevelira, et communiera pour lui.

Toutefois pour le Père Ange, cette mission doit inciter à l’humilité : « Mes très chères filles, croyez-vous réussir en un emploi digne de Jésus par vos propres conduites ? Non assurément, vous ne réussirez jamais si Notre Seigneur ne vous associe à ces travaux et ne vous remplit de cet esprit qui l’avait rempli lui-même pour ces saintes occupations ». Autrement dit on ne peut rien faire par soi-même si Dieu n’accepte de nous voir comme ses collaborateurs, mais pour cela il faut tâcher de le mériter.

Conclusion

Le Père Ange Le Proust est un mystique guidé et conduit par l’Esprit de Dieu. Il vit ainsi pleinement la Règle de Saint Augustin : « Devant toute chose, que Dieu soit aimé ; et ensuite, le prochain ». Par cette phrase tirée de son Traité de la Règle de Saint Augustin, le Père Ange dévoile ce dont il vit lui-même en tant que religieux augustin : l’Amour de Dieu. La spiritualité du Père Ange est donc bâtie sur cet Amour et sur l’Amour du Prochain. Dieu est tout pour lui, et le prochain c’est Jésus présent en tout homme. Ainsi, servir le prochain, c’est servir Dieu.

[Note : les citations présentes dans cet article sont issues des Premiers Règlements de Vie donnés par le Père Ange et de la Lettre aux sœurs des maisons de Brest qui sont, avec l’Acte de foy, les clés de la spiritualité du Père Ange.]