Lettre de notre Révérend Père Ange Le Proust « pour nos chères filles de l’une et l’autre maison de Brest » (1693)


Cette lettre, écrite par le Père Ange Le Proust en 1693, est lue tous les mois dans les communautés.

« Dieu vous a appelées, mes très chères Filles, aux occupations qu’Il aime le mieux au monde, et que son Fils a le plus cordialement embrassées, car il dit que le Saint Esprit L’a envoyé comme un médecin, avec un baume tout divin, pour soigner les malades, pour consoler les pauvres et chercher les brebis égarées, et les rapporter sur Ses épaules ; et que, quand Il les a rapportées, Il en a tant de joie qu’Il prend plaisir qu’on Lui en marque une grande.

Vous partagez, mes chères Filles, toutes ces charitables occupations : vous traitez les pauvres, vous consolez les affligés, et vous ramassez ces pauvres brebis égarées. Je vous estime heureuses, et souhaite d’avoir part à vos travaux, car vous aidez à Notre Seigneur et vous êtes de Sa profession.

Mais, mes chères Filles, croyez-vous réussir dans un emploi digne de Jésus Christ par vos propres conduites?

Non, assurément, vous ne réussirez jamais si Dieu ne vous associe à Ses travaux et ne vous remplit de cet Esprit dont Il était rempli Lui-même pour ces saintes occupations.

Il faut donc tâcher de mériter l’assistance particulière qui vous est nécessaire pour cela. Il faut premièrement une charité cordiale pour vos pauvres malades et pour toutes. Il faut désirer ardemment leur salut et leur conversion ; il faut sans cesse prier pour eux en allant, en venant, en montant, en descendant, dire souvent : « converte nos, Deus salutaris noster » : convertissez-nous, Dieu notre Sauveur, et détournez votre colère de dessus nous, pauvres pécheurs.

2° Il se faut rendre agréables à Dieu et mériter Son amitié, Ses grâces et Son assistance. Ainsi, il faut vous rendre très parfaites dans l’exécution de vos voeux, être chastes, très obéissantes jusqu’à aller au bout du monde avec un bâton et sans argent. Voilà ceux qui ont converti les pécheurs. Vous ne ferez que du mal si vous n’êtes ainsi chastes, ainsi pauvres, ainsi obéissantes.

Nous avons besoin de bonnes filles et en grand nombre, et pour obtenir cela de Dieu nous avons fait par toute la Société un voeu qu’on ne porte ni soie, ni mousseline, ni toile fine. C’est un voeu qui oblige sous peine de péché. Aussi je vous prie de ne vous pas opposer qu’on se détache de tout cela ; car cela serait contre la pauvreté et notre état et contre le voeu qui vous oblige aussi bien que toute la Société, excepté les bienfaitrices à qui l’on permet ces choses.

Qu’on ne change pas la moindre chose dans l’ancien habit. La première source de tous les grands désordres qui ont été dans l’Ordre de Saint François, qui était si saint, est venue de ce que l’on changea un peu dans son habit, et cela donna une ouverture au relâchement qu’on n’a jamais pu bannir : saint François eut le déplaisir de voir commencer le désordre de son temps. Mon Dieu! Ne faites point cela. Qu’on se remettre à la première façon d’habit, et qu’on craigne de se rendre responsable de changement contre les Règles.

Prenez garde à fuir le monde et la conversation des mondains. Ne laissez aller seules que des vieilles ; mais, mon Dieu, ne commettez pas des jeunes filles à aller parmi ce monde de Brest tout corrompu. Envoyez les plus âgées, car le monde en parlerait vitement.

Que la Supérieure reçoive les comptes devant les deux dépositaires toutes les années, mais qu’on ne manque pas à cela et qu’on prenne garde à ne se pas brouiller pour les comptes du Roi.

Je vous écrirai encore sur les règlements de cette Maison. Mais je désire qu’on lise cette lettre une fois tous les mois.

Je suis, mes très chères filles, votre très affectionné serviteur. »

Frère Ange LE PROUST